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Deepfakes, IA et Brand Safety – La nouvelle équation de la communication de marque

David Benguigui, Directeur Marketing & Communication, vice-président du CMIT, membre du Club des Annonceurs, expert reconnu des enjeux de communication digitale.

À travers ses tribunes, publiées notamment dans Les Échos et Stratégies, il analyse les transformations de l’écosystème informationnel et leurs impacts sur les stratégies de marque.

L’ère de la désinformation et ses impacts

Dans vos récentes tribunes, vous évoquez les « métastases » de la désinformation. Comment ce phénomène redéfinit-il le paysage de la communication pour les marques aujourd’hui ?

Le parallèle avec les métastases n’est pas anodin. Telle une maladie qui se propage insidieusement, la désinformation s’infiltre partout et affecte l’ensemble de l’écosystème informationnel. Pour les marques, cela change fondamentalement la donne : nous ne sommes plus seulement dans une logique de construction de réputation, mais aussi et surtout de protection et de défense permanente.

Les marques évoluent désormais dans un environnement où la vérité met du temps à s’établir, tandis que le mensonge se propage à la vitesse de l’algorithme. Quand une fake news sur votre marque peut faire le tour des réseaux sociaux en quelques heures, vous n’avez plus le luxe du temps de réponse traditionnel.

42% des jeunes Européens s’informent via les réseaux sociaux. Comment appréhendez vous cette réalité ?

Le modèle économique de ces plateformes crée un biais systémique : l’émotion prime sur la réflexion, le clash sur le débat, la viralité sur la véracité. Pour une marque, un message rationnel, construit, documenté, sera toujours en compétition avec des contenus plus émotionnels, parfois mensongers, mais plus performants algorithmiquement.

En tant que communicants, il faut donc repenser nos stratégies : nous ne pouvons plus nous contenter d’être justes et honnêtes ; nous devons aussi être proactifs, émotionnellement intelligents, et capables de rivaliser dans cet écosystème de l’attention.

E-réputation à l’ère de l’IA générative

L’intelligence artificielle facilite la création de deepfakes. Quels sont les nouveaux risques pour l’e-réputation des marques ?

Les deepfakes représentent une menace totalement nouvelle. Nous sommes passés d’une époque où une fausse information pouvait être contredite par des preuves, à une ère où ces « preuves » elles-mêmes peuvent être fabriquées de manière ultra-réaliste.

Un dirigeant dont on fabrique une vidéo scandaleuse, un produit dont on crée de fausses images de défauts, une publicité détournée avec précision… Le temps que vous démentiez, le mal est fait. Le plus préoccupant, c’est l’effet de désensibilisation : quand tout peut être faux, la confiance devient une denrée rare.

Comment une marque peut-elle se préparer concrètement ?

La préparation est triple. Premièrement, mettre en place un système de veille et d’alerte précoce extrêmement réactif pour détecter les contenus problématiques avant qu’ils ne deviennent viraux.

Deuxièmement, développer des protocoles de réponse clairs : cellule de crise digitale, messages-types adaptables, canaux de communication directs avec vos communautés pour réagir en temps réel.

Troisièmement, construire votre « système immunitaire intellectuel » : une présence constante, authentique et transparente qui crée un capital confiance suffisant pour que votre audience vous croie quand vous démentez une fausse information.

Brand Safety : au-delà de la protection classique

Comment les marques doivent-elles adapter leur stratégie de brand safety ?

La brand safety ne peut plus se limiter à éviter que vos publicités apparaissent à côté de contenus inappropriés. C’est tout votre écosystème de communication qui doit être repensé sous l’angle de la sécurité informationnelle.

Il faut développer une « hygiène informationnelle » : citer ses sources, être transparent sur ses données, éviter les raccourcis sensationnalistes. Une marque qui adopte ces pratiques se protège doublement : elle réduit sa vulnérabilité aux attaques et se positionne comme un acteur responsable.

Quel rôle les marques peuvent-elles jouer face aux plateformes ?

Leurs budgets publicitaires finançant ces espaces, elles ont un levier considérable qu’elles utilisent trop rarement. Nous devons collectivement exiger davantage : plus de transparence sur les algorithmes, plus d’efforts dans la modération, plus de moyens contre la désinformation.

Au-delà de la pression économique, les marques peuvent contribuer positivement en soutenant des initiatives de fact-checking, en finançant l’éducation aux médias. La brand safety ne se construit pas seulement en se protégeant, mais aussi en participant à l’assainissement de l’écosystème.

Les leçons du « politicien-marchandise »

Dans votre tribune sur Donald Trump, vous décrivez la transformation du politique en produit. Quels parallèles avec la communication de marque ?

Donald Trump a poussé à l’extrême une logique qui travaille aussi les marques : simplification du message, domination des émotions, recherche de viralité. Son slogan « Make America Great Again » est un cas d’école en branding : simple, évocateur, mémorisable, émotionnel.

Mais quand cette logique sacrifie la substance au profit de l’image, la vérité face à l’efficacité du message, c’est dangereux. Les marques durables trouvent l’équilibre : être audibles dans l’économie de l’attention sans sacrifier leur intégrité, être émotionnellement engageantes sans être manipulatrices, être simples sans être simplistes.

Faut-il suivre ou éviter ces nouveaux standards ?

C’est le piège à éviter. Ce que nous devons retenir, c’est l’importance de la cohérence et de l’authenticité. Le président américain a construit une marque forte parce qu’elle est cohérente, prévisible, reconnaissable. Les marques doivent s’inspirer de cette cohérence, moins de ses méthodes.

Le vrai défi est de résister au court-termisme. L’outrance peut générer du buzz, mais la confiance se construit dans la durée. Dans un monde où tout peut être fake, l’authenticité devient votre meilleur actif.

L’éducation des jeunes : un investissement stratégique

Vous plaidez pour une éducation à l’esprit critique. En quoi est-ce aussi un enjeu pour les marques ?

C’est peut-être contre-intuitif, mais un public mieux formé à l’esprit critique est dans l’intérêt des marques responsables. Former nos audiences, en particulier les jeunes, à vérifier les sources et à prendre du recul sur leurs émotions, c’est aussi les former à ne pas croire la première fake news venue sur votre entreprise.

C’est investir dans un environnement informationnel plus sain, où les marques honnêtes ont un avantage compétitif. Certaines marques avant-gardistes l’ont d’ailleurs bien compris et investissent dans des programmes d’éducation aux médias. C’est du marketing intelligent : vous construisez votre image de marque responsable tout en créant les conditions d’une relation plus mature et durable avec vos publics.

Prévenir plutôt que guérir : l’anticipation comme bouclier

Face à ces menaces, vaut-il mieux réagir ou anticiper ?

Sans aucun doute : mieux vaut prévenir que guérir. Quand une crise de désinformation éclate, vous êtes déjà en position de faiblesse. Le temps de réaction, même rapide, laisse le mensonge prendre de l’avance. Et nous savons que « quand la vérité emprunte l’escalier, le mensonge file en ascenseur ».

L’anticipation, c’est d’abord construire en amont ce capital confiance dont nous parlions. Mais c’est aussi se doter d’outils qui permettent d’établir la preuve de l’authenticité. À l’ère des deepfakes et des contenus manipulés, pouvoir prouver instantanément la paternité d’un contenu devient un enjeu stratégique majeur.

Des solutions telles que Certiphy.io vont dans le bon sens puisqu’elles permettent justement de certifier vos contenus en temps réel, créant ainsi une empreinte numérique infalsifiable. Quand un contenu vous est attribué à tort ou qu’une de vos communications est détournée, vous disposez d’une preuve irréfutable et immédiate de l’authenticité — ou de la falsification. C’est un changement de paradigme : vous n’êtes plus dans une logique de démenti après coup, mais de certification préventive.

Cette approche proactive change ainsi complètement l’équation : au lieu de subir et de réparer, vous anticipez et vous protégez. C’est comme apposer un sceau d’authenticité sur chacune de vos communications, rendant toute manipulation détectable et démontrable instantanément.